Charles E. Vejnar – Lauréat du prix SIB 2013 récompensant le meilleur article de fin d'études en bioinformatique en Suisse
Charles a effectué ses études doctorales au sein de l'équipe du chef de groupe SIB Evgeny Zdobnov à l'Université de Genève. Il a reçu le prix pour son mémoire intitulé « MiRmap : prédiction complète de la force de répression des microARN ».
Aujourd'hui, Charles est chercheur associé dans le groupe du professeur Antonio Giraldez à l'université de Yale (États-Unis), où il poursuit ses recherches sur différents mécanismes de régulation post-transcriptionnelle de l'ARN. Pour en savoir plus sur les projets de recherche de Charles au sein du laboratoire Giraldez, rendez-vous sur leur page web et lisez notre interview !
À propos des SIB Bioinformatics Awards et de notre série d'entretiens « Rencontre avec les anciens lauréats des SIB Awards »
Lancés en 2008 dans le but de distinguer de jeunes bioinformaticiens en Suisse, les SIB Bioinformatics Awards ont depuis parcouru un long chemin : d'un seul prix national à trois prix différents aujourd'hui, récompensant 1) des bioinformaticiens internationaux en début de carrière (SIB Early Career Bioinformatician Award), 2) l'excellence au sein de la communauté suisse des doctorants (SIB Best Swiss Bioinformatics Graduate Paper Award) et 3) des ressources innovantes en bioinformatique (SIB Bioinformatics Resource Innovation Award). Au fil des ans, 21 prix ont été décernés, récompensant neuf lauréats pour leur début de carrière exceptionnel, dix étudiants diplômés pour leurs excellentes publications et deux ressources bioinformatiques pour leur caractère innovant.
En 2019, les SIB Bioinformatics Awards seront décernés pour la10e fois, ce qui sera l'occasion de prendre contact avec les anciens lauréats et de leur demander où ils en sont dans leur carrière : cette interview fait partie d'une série qui vous invite à rencontrer les anciens lauréats des SIB Bioinformatics Awards.
À quel stade de votre carrière étiez-vous lorsque vous avez reçu le prix SIB ? Qu'avez-vous ressenti ? Quel était le principal centre d'intérêt de vos recherches à cette époque ?
J'ai reçu ce prix à la fin de mon doctorat, et j'étais très fier. Cela m'a donné l'impression d'entrer « par la grande porte », comme on dit en français, et d'être accueilli dans une communauté. Je travaillais dans le laboratoire du professeur Evgeny Zdobnov à Genève sur la régulation post-transcriptionnelle de l'ARN, assurée par un type spécifique d'ARN non codant appelé microARN. Mon principal intérêt était de comprendre comment les microARN reconnaissent leurs cibles. Afin de faciliter l'élaboration d'hypothèses lors de l'étude de la régulation des microARN, nous avons développé miRmap, qui prédit les cibles des microARN avec une grande précision (Vejnar et al., 2012). Ce fut le début de nombreuses collaborations avec des expérimentateurs afin d'aborder des questions dans le domaine de la génomique fonctionnelle.
Quels sont vos domaines de recherche actuels ?
Mes recherches portent sur la biologie de l'ARN, plus précisément sur la régulation post-transcriptionnelle des ARN au cours du développement des embryons animaux. Immédiatement après la fécondation, les ARN et les protéines déposés par la mère régulent le développement de l'embryon. Cependant, à des stades plus avancés du développement, l'embryon prend le contrôle de son propre développement. Cette transition est très dynamique et offre donc un système fantastique pour étudier la régulation post-transcriptionnelle de l'ARN in vivo à l'aide d'approches génomiques (Vejnar et al., bioRXiv).
Je m'intéresse également beaucoup au développement d'outils pour la biologie expérimentale. J'ai eu la chance de collaborer avec le Dr Moreno-Mateos dans le laboratoire d'Antonio pour développer l'algorithme CRISPRscan, qui permet aux expérimentateurs de sélectionner les outils CRISPR les plus efficaces pour manipuler le génome.
Selon vous, quelle est la découverte la plus fascinante rendue possible par la bioinformatique ?
La bioinformatique étant rarement utilisée seule, je choisirais sans hésiter les découvertes associant la bioinformatique à la génomique. L'assemblage du génome humain a été déterminant, mais plus récemment, toutes les découvertes allant au-delà de la séquence d'ADN elle-même sont fascinantes. De nombreuses techniques combinent la bioinformatique et le séquençage à haut débit pour révéler les interactions au sein de la chromatine ou la manière dont les protéines se lient à l'ARN ou à l'ADN. Par exemple, je suis fasciné par notre capacité à « voir » les ribosomes en traduction grâce à une technique appelée « profilageribosomique » mise au point dans le laboratoire du professeur Jonathan Weissman. Cette technique nous permet de capturer des ribosomes et d'étudier comment ils décodent les ARN messagers, en marquant une petite pause à chaque codon.
Qu'aimez-vous faire pendant votre temps libre ?
La vraie réponse est probablement plus scientifique... Mais j'essaie aussi de nager et de cuisiner (surtout français). J'ai également découvert de très bons vins lors de mes voyages dans le pays, que je partage avec mes amis ici aux États-Unis.
Un message pour la future génération de bioinformaticiens ?
Prenez le temps de partager, d'organiser et de documenter votre code. Faites-le pour vos collègues, mais aussi parce que cela augmentera l'impact de votre travail, car davantage de personnes l'utiliseront et le citeront. Prenez le temps de choisir, et éventuellement d'apprendre, la technologie appropriée pour résoudre un problème. Par exemple, il n'est pas efficace de développer des pipelines complexes avec des outils conçus pour les statistiques, car il existe de nouvelles technologies, telles qu'un nouveau langage comme Go (https://golang.org), qui sont plus adaptées à ces tâches.
J'apprécie également beaucoup la collaboration avec des expérimentateurs. Il est essentiel de se rencontrer le plus tôt possible dans le projet afin de concevoir les expériences et la manière de les analyser. Cela rend également l'ensemble du processus beaucoup plus gratifiant !