Une équipe internationale de chercheurs a reconstitué l'histoire du peuplement humain dans le Pacifique Sud en séquençant un grand nombre de génomes provenant de cette région. Laurent Excoffier, professeur à l'Institut d'écologie et d'évolution de l'Université de Berne et chef de groupe au SIB, a participé à cette étude. Les résultats remettent en question les connaissances actuelles sur le premier peuplement de l'archipel du Vanuatu et de la Polynésie.
La connaissance de la diversité génétique des populations humaines est essentielle pour mieux comprendre l'histoire globale du peuplement et les processus de sélection naturelle. Cependant, la grande majorité des études génétiques se concentrent sur les populations d'origine européenne, qui ne représentent que 16 % de la population mondiale. L'histoire génomique du Pacifique Sud, en revanche, a été très peu étudiée. Dans une nouvelle étude publiée dans Nature, un groupe de recherche international dirigé par l'Institut Pasteur, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Collège de France a étudié l'histoire du peuplement des îles du Pacifique à l'aide du séquençage du génome. Cette étude, à laquelle a participéLaurent Excoffier (Université de Berne et SIB), confirme les découvertes archéologiques qui situent le peuplement humain de diverses îles d'Océanie il y a environ 40 000 ans. De plus, les scientifiques ont pu prouver qu'une période d'isolement génétique entre les îles a suivi ce peuplement initial.
Une colonisation rapide des îles isolées du Pacifique il y a 5 000 ans ?
Les recherches actuelles montrent que l'Homo sapiens, après avoir quitté l'Afrique, s'est installé en Océanie il y a environ 45 000 ans, notamment en Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans l'archipel de Bismarck et dans les îles Salomon (également appelées Océanie proche). Les autres îles du Pacifique (Océanie éloignée : l'archipel du Vanuatu, Wallis-et-Futuna, la Polynésie, etc.) n'étaient pas encore peuplées. Ces îles n'ont été colonisées par les humains que 40 000 ans plus tard. On suppose qu'un groupe de personnes a quitté Taïwan il y a 5 000 ans, s'est installé aux Philippines, en Indonésie et dans d'autres îles déjà peuplées de l'Océanie proche, avant de devenir peu après les premiers colons des îles de l'Océanie lointaine.

Pour la présente étude, l'équipe de recherche a pu utiliser le séquençage du génome de 320 individus originaires de Taïwan, des Philippines, de l'archipel Bismarck, des îles Salomon, des îles Santa Cruz et de l'archipel Vanuatu afin de caractériser la diversité génétique des populations des innombrables îles du Pacifique Sud qui ont été colonisées à des époques très différentes, et de vérifier les connaissances actuelles sur leur histoire de peuplement.
Le séquençage du génome apporte de la lumière dans l'obscurité
Grâce au séquençage, les scientifiques ont pu dater la colonisation de diverses îles de l'Océanie voisine à environ 40 000 ans et ainsi confirmer les découvertes archéologiques. De plus, il a été démontré qu'une période d'isolement génétique entre les îles a suivi cette colonisation initiale. « Nos résultats confirment que les êtres humains ont été capables de traverser l'océan pour atteindre de nouvelles terres très tôt. Ils indiquent également que les voyages étaient relativement rares à cette époque », explique Etienne Patin, chercheur au CNRS à l'Institut Pasteur. De plus, l'étude remet en question la théorie selon laquelle, il y a environ 5 000 ans, un groupe de personnes aurait quitté Taïwan pour peupler rapidement l'Océanie proche et lointaine. Les analyses génomiques indiquent que les humains ont quitté Taïwan il y a plus de 5 000 ans et que le métissage qui a accompagné l'arrivée des Austronésiens en Océanie proche n'a commencé que 2 000 ans plus tard. Contrairement à la théorie classique, l'expansion de Taïwan n'a pas immédiatement entraîné un métissage unique avec la population de l'Océanie proche, mais il y aurait plutôt eu des épisodes récurrents d'échanges génétiques.
Expertise bernoise en analyse génétique
« Cette étude apporte un nouvel éclairage sur l'histoire du peuplement de l'océan Pacifique et montre qu'il est le résultat d'un processus complexe. Elle inclut plusieurs interactions entre différentes vagues de migration vers l'Océanie et l'océan Pacifique, et non une seule migration suivie d'un seul mélange, comme on le supposait auparavant », explique Laurent Excoffier, coauteur de l'étude, de l'Université de Berne et du SIB. « Notre laboratoire a participé aux déductions démographiques et historiques tirées des données génomiques, qui ont été analysées principalement à l'aide d'un logiciel informatique développé par notre groupe », précise Laurent Excoffier.
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Reference(s)
Chouin J et al. Aperçu génomique de l'histoire démographique et de l'adaptation biologique en Océanie. Nature, 2021.