Si la majeure partie du génome humain est identique d'un individu à l'autre, des anomalies génomiques telles que des délétions ou des duplications peuvent réduire ou augmenter le nombre de copies de fragments génétiques spécifiques. Ces anomalies sont également appelées variations du nombre de copies ou CNV (copy number variations). Une nouvelle étude menée auprès d'une vaste cohorte de 500 000 volontaires sains au Royaume-Uni et dirigée par les équipes du SIB Group Leader Zoltán Kutalik et Alexandre Reymond de l'Université de Lausanne révèle que ces variations sont beaucoup plus courantes que prévu dans la population. L'étude a également exploré leur influence sur nos traits physiques et notre prédisposition aux maladies. Elle est publiée aujourd'hui dans l'American Journal of Human Genetics.

Que sont les variations du nombre de copies ou CNV ?

Chacune de nos cellules contient deux copies de notre génome, l'une héritée de notre mère et l'autre de notre père. Chez certaines personnes, des mutations génétiques provoquent la duplication ou la suppression d'une partie du génome, comme si une page d'un livre était déchirée ou supprimée. Lorsque le nombre de copies d'un fragment génomique est supérieur ou inférieur à deux, les généticiens parlent de variations du nombre de copies ou de CNV.

Étudier les conséquences générales au sein d'une population en bonne santé

Si les CNV (voir encadré 1) sont connus pour causer plusieurs syndromes génétiques rares et invalidants, on en sait moins sur la manière dont ils modulent les traits chez les individus en bonne santé. Pour étudier cette question, les équipes d'Alexandre Reymond, professeur à la Faculté de biologie et de médecine et directeur du Centre de génomique intégrative de l'UNIL, et de Zoltán Kutalik, responsable de groupe au SIB et professeur associé au Département de biologie computationnelle de l'UNIL et à Unisanté, ont collaboré avec des chercheurs de l'Université de Tartu en Estonie et se sont appuyées sur des données issues de la population générale britannique (voir encadré 2). Les informations génétiques ont permis aux chercheurs d'identifier les participants présentant des CNV. Une fois les variations localisées, les équipes ont déterminé si elles étaient associées à des caractéristiques intellectuelles, physiques ou moléculaires des individus.

Recherche participative

Pour mener leur étude, les scientifiques ont utilisé les données de la UK Biobank, une cohorte de 500 000 volontaires issus de la population générale britannique. Les volontaires ont partagé anonymement leurs dossiers médicaux, répondu à des questionnaires sur leurs habitudes et leur mode de vie, et donné un échantillon de sang afin de permettre la réalisation d'une analyse sanguine et l'accès à leur génome. « Des initiatives similaires à celle de la UK Biobank se multiplient à travers le monde et constituent une source d'informations sans précédent », explique Zoltán Kutalik.

Impact négatif des CNV sur la santé et la longévité

Une conclusion importante est que les CNV de grande taille sont plus fréquentes que prévu : 39 % des individus analysés présentent au moins une variation de ce type. « Ce chiffre est assez impressionnant, étant donné que la technologie que nous utilisons ne nous permet pas de détecter les CNV de petite taille. En réalité, ce nombre est probablement beaucoup plus élevé », explique Chiara Auwerx, doctorante au SIB dans les groupes d'Alexandre Reymond et Zoltán Kutalik et première auteure de l'article. Les scientifiques ont également découvert que les personnes présentant un grand nombre de CNV dans leur génome avaient un poids plus faible à la naissance et une adiposité accrue, étaient plus susceptibles de souffrir de lésions hépatiques et rénales, ainsi que d'une capacité physique et intellectuelle réduite et d'une espérance de vie plus courte.

Il est important de noter que les chercheurs ont découvert que la même CNV n'a pas le même impact sur tout le monde. Alexandre Raymond explique : « Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène, par exemple la présence d'autres mutations génétiques, ainsi que des différences environnementales et culturelles. » Il conclut que cette question fera l'objet de recherches futures.

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Reference(s)

Auwerx C et al. L'impact individuel et global des variants du nombre de copies sur les traits complexes chez l'être humain. The American Journal of Human Genetics, 2022.