Deux de nos scientifiques ont reçu une bourse de voyage du SIB pour assister et présenter leurs recherches à la conférence Advances in Computational Biology (novembre 2019, Barcelone, Espagne), une initiative du programme Bioinfo4Women du Barcelona Supercomputing Center. La conférence avait pour but de favoriser la collaboration entre femmes scientifiques : bien qu'ouverte à tous, toutes les organisatrices, les membres du comité scientifique, les intervenantes, les présentatrices de posters et les panélistes étaient des femmes. Ute Roehrig, Senior Scientist dans le groupe de Vincent Zoete et Olivier Michielin au SIB à Lausanne, et Annika Lisa Gable, doctorante dans le laboratoire de Christian von Mering à l'Université de Zurich, nous ont fait part de leurs impressions.
Et au SIB ?
Le SIB organise tous les deux ans deux conférences scientifiques : la [BC]2 Basel Computational Biology Conference, dont la dernière édition a attiré des participants de 30 pays, et les SIB Days, destinés à ses membres. En tant qu'institution engagée en faveur de la diversité, de l'égalité et de l'inclusion, il s'efforce d'assurer une représentation équilibrée des intervenants et des organisateurs de ces événements. En 2019, deux des six conférenciers principaux de la [BC]2 étaient des femmes chercheurs de premier plan, et chacune des cinq sessions thématiques – dont trois étaient coprésidées par une femme chef de groupe du SIB – comprenait une conférencière. Pour les SIB Days 2020, chacune des huit sessions thématiques sera coprésidée par un scientifique homme et une scientifique femme, et les deux conférenciers principaux de la conférence seront des femmes.
Quelles ont été les différences les plus notables par rapport aux autres conférences scientifiques auxquelles vous avez assisté ?
Ute Roehrig : Limiter le choix des intervenantes aux femmes n'a clairement pas affecté la qualité scientifique des présentations : cela a plutôt créé une atmosphère plus détendue et plus conviviale. Cela a encouragé certaines intervenantes à évoquer des préoccupations personnelles, et la plupart des membres du public à se sentir suffisamment à l'aise pour poser des questions après les exposés. L'objectif de la conférence n'était pas de dénoncer la sous-représentation actuelle des femmes aux postes de direction, mais de réunir des femmes ayant réussi et de jeunes scientifiques afin de donner à ces dernières les moyens d'agir.
Annika Lisa Gable : J'ai trouvé inspirant d'entendre les exposés et la table ronde de femmes occupant des postes de haut niveau dans le domaine de la biologie computationnelle, car ce sont généralement des hommes qui occupent ces postes et qui interviennent lors de conférences. Cela m'a donné des modèles auxquels je peux m'identifier, ce qui fait parfois défaut
Quelles ont été les activités spécifiquement consacrées à la promotion des femmes et de la diversité dans les sciences ?
UR : Il y a eu un discours de bienvenue prononcé par Angels Chacon, la première femme ministre des Affaires et de la Connaissance en Catalogne, ainsi qu'une pièce de théâtre sur la résilience de Rosalind Franklin, malgré le traitement que lui ont infligé ses collègues masculins. Un déjeuner-rencontre avec des femmes leaders issues du monde universitaire, des affaires et de la politique a également été organisé. Le dîner de la conférence a été une autre occasion très agréable de se rencontrer et d'échanger, mais il est intéressant de noter que le sujet des femmes dans la science n'a pas été abordé à ma table, ni lors de la session de posters ou d'autres discussions que j'ai eues. Bien sûr, il ne s'agit là que de mon expérience personnelle.
ALG : Au cours de la table ronde, l'importance d'une collecte équitable et équilibrée des données de formation pour l'apprentissage automatique a été soulignée, car dans certains cas, les femmes, et plus fréquemment les minorités ethniques et les pays en développement, sont très sous-représentés dans les données biomédicales collectées, ce qui entraîne des biais. Le dîner de la conférence a été une excellente occasion de mieux connaître mes voisins de table dans un cadre informel. Cela a été très intéressant, car j'ai discuté avec un entrepreneur et un doctorant iranien.

Avant/après : votre participation à cet événement a-t-elle changé votre perception du sujet ?
UR : La conférence a rappelé de manière intéressante que les choses pourraient être différentes et meilleures s'il y avait une représentation égale des hommes et des femmes aux postes scientifiques de direction.
ALG : J'ai pris conscience du nombre important de femmes qui travaillent dans le domaine de la biologie computationnelle, en particulier celles issues des mathématiques ou de l'informatique. Cependant, je ne suis pas certaine qu'une conférence réservée aux femmes soit le meilleur moyen de promouvoir les femmes dans ce domaine. D'une part, la visibilité d'une contribution à la conférence est moindre si seule la moitié des participantes potentielles sont présentes, et d'autre part, j'ai du mal à justifier l'idée que les hommes ne soient pas autorisés à contribuer uniquement en raison de leur sexe.
À mon avis, le défi pour les femmes dans le milieu universitaire n'est pas tant qu'elles ne soient pas invitées à prendre la parole lors de conférences, mais plutôt le manque de postes stables et bien rémunérés que les femmes peuvent rechercher, en particulier lorsqu'elles envisagent de fonder une famille. Une représentation paritaire des femmes et des hommes lors des conférences est très importante, mais également difficile à obtenir tant qu'il y a si peu de femmes chercheurs principaux en raison des défis mentionnés ci-dessus.